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[Rational Purify] Les éléments sculptés...

  • Les bases de colonne, d'un profil assez maladroit, présentent une gorge garnie de rainures concentriques. Elles sont posées sur un bandeau continu, faisant office de plinthe, qui possède la même mouluration à triple filet que le soubassement des niches latérales.

  • Un fragment en grès beige de l'un des chapiteaux qui surmontaient ces colonnettes, a été découvert dans l'église. Comme on pouvait s'y attendre, il reprend les motifs géométriques d'entrelacs qui régnaient en maîtres dans le mobilier d'église, aux IXe et Xe siècles, et, que nous avons déjà rencontré sur le pilier de chancel de la basilique d'Etienne Ier à Conques. Deux rubans parallèles s’y entrecroisent selon un tracé en angles droits ou en courbes.

  • La sculpture monumentale est présente encore dans le chœur, et de la façon la plus insolite, sur le fût même des colonnes du mur de fond. Celle de droite, du fait de l'éclatement de la pierre, laisse seulement deviner des incisions informes qui n'autorisent aucune identification.

  • Mais, à gauche, ce n'est pas sans une certaine émotion que l'on découvre une bien étrange figure humaine, à l'aspect caricatural. Elle conserve quelques traces de polychromie : un rouge vif pour la bouche et les mains, le noir pour les vêtements et pour le reste du corps. (Mais ce noir peut résulter d'une altération des couleurs originelles).

  • Haut de 50 cm à peine, le personnage occupe une moitié de la circonférence du fût. Mais, par suite d'une cassure, il a été amputé d'une partie du visage, ainsi que du bras et de l'épaule gauche. On relève une facture sommaire appartenant à un art encore dans l'enfance, « barbare » à bien des égards. Le relief très plat se détache avec peine de la colonnette, et l'artiste a fait autant appel à la technique de la gravure qu'à celle de la sculpture : les plis du vêtement, comme les doigts, sont rendus par de simples incisions au burin dans la pierre. La maladresse de l'auteur transparaît encore dans maints détails d'exécution. Ainsi la tête et le corps accusent une rigoureuse frontalité, alors que les jambes légèrement infléchies, et les pieds sont représentés de profil. A des membres grêles, presque filiformes, s'oppose une tête démesurément grossie, aussi longue que les jambes. Ce personnage au front bas, au nez volumineux, présente l'étonnante particularité d'être chauve, tout en étant doté d'une moustache tombante et d'une forte barbe à deux pointes. Nous verrons plus loin les conclusions à tirer de ces détails physiques pour l'identification du bas-relief. Mains aux hanches et coudes écartés, cette figure porte, non le vêtement long des clercs, mais la tunique courte, serrée à la taille par une ceinture.

  • Pour envisager des rapprochements stylistiques, il faudrait se tourner vers l'amont et regarder en direction des premiers essais du haut Moyen Age dans le domaine des arts plastiques. On pense aux reliefs à personnages de l'Italie lombarde du VIIIeme siècle, en particulier aux plaques de l'autel de Cividale, dans le Frioul, offertes par le roi Ratchis vers 740 ; ou encore à ceux de San Pedro de la Nave et de Quintanilla de las Vinas, dans l'Espagne wisigothique. L'air de famille se précise avec la figure d'orant provenant d'une fresque de l'église mozarabe de San Quiree de Pedret, en Catalogne, ainsi qu'avec les deux personnages sculptés sur une dalle de marbre conservée au musée lapidaire de Narbonne.

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  • Venons-en maintenant au problème de l'identification de ces figures, car il ne faut pas oublier la colonne symétrique à droite qui, vraisemblablement, portait un second personnage. L'église était dédiée aux deux apôtres Pierre et Paul que les sculpteurs romans ont souvent rassemblés, ainsi à la porte Miégeville de Saint-Sernin de Toulouse, au portail de Maguelone et, plus près d'ici au tympan de Marcilhac-surCélé. A Toulongergues, la localisation même de ces figures sur les colonnes du sanctuaire tout à fait inhabituelle peut se justifier si l'on veut bien rechercher l'intention symbolique mise ici par le sculpteur, saint Pierre, l'apôtre des juifs, et saint Paul, l'apôtre des gentils, ne sont-ils pas considérés dans la tradition chrétienne comme les deux colonnes de l'Église ?

  • Et le personnage correspond assez bien au portrait physique de saint Paul (cf. à gauche, icône russe du XVIe siècle d'AndreÏ Rublev, Moscou), tel qu'il est connu à travers divers témoignages. Si l'apparence chétive et la taille médiocre peuvent être à la rigueur mises sur le compte de la maladresse, il n'en est plus de même «pour la barbe longue et fournie, le nez grand et aquilin » dont parle Nicéphore. Quant au crâne dénudé, c'est Lucien qui apporte la réponse satisfaisante en déclarant au sujet de Paul : « J'ai rencontré un Galiléen chauve ».

  • Retenons surtout le symbolisme contenu sur les deux fûts sculptés, celui de Pierre et Paul, colonnes de l'Église universelle. Cette trouvaille d'artiste, sans doute inspirée par les clercs, caractérise bien l'époque de recherche intense qui précéda et facilita la grande éclosion de l'art roman. Mais elle surprend d'autant plus qu'elle s'applique à une église rurale. Si elle n'eut aucune suite dans les édifices ultérieurs, c'est sans doute parce que les chapiteaux et les portails n'allaient pas tarder à devenir les lieux d'élection de la sculpture monumentale.